Sabine Sicaud

Sabine Sicaud est une jeune poétesse des années 1920 qui aurait pu avoir une grande renommée si la maladie ne l’emporta pas si jeune.

Écrivant depuis ses 9 ans, elle laisse malgré tout derrière elle une jolie collection de poèmes dont nous rééditons une sélection : L’Herbier de Sabine Sicaud, illustré par Gaëlle Privat et préfacé par Wendy Prin-Conti.

Mystérieuse Sabine Sicaud

Villa « La Solitude »

« La Solitude » est le nom donné à la villa, située à Villeneuve-sur-Lot, dans le sud-ouest de la France, dans laquelle Sabine Sicaud est née le 23 février 1913 et est décédée le 28 juillet 1928.
C’est ici qu’elle vécut et écrivit ses poèmes, dans cette demeure enfouie dans une nature luxuriante, entourée d’arbres, et à laquelle on accède par une longue allée de platanes, après avoir ouvert un grand portail en fer noir. Ses poèmes sont le reflet d’une vie quasi cloîtrée dans ce microcosme, à cause d’une maladie qui eut raison d’elle en pleine adolescence.
La Solitude et son parc – qui abrite grotte, étang, fleurs, animaux, insectes – nourrissent l’inspiration de la jeune poétesse. Tout un théâtre joue pour Sabine qui ne sort guère de la propriété, si ce n’est pour quelques rares excursions sur la Côte d’Argent, et qui inspirera par exemple « Les pèlerins de la dune ». Cette villa est son îlot dans l’univers, comme elle le nomme dans le poème éponyme. De même que le Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, Sabine Sicaud fait de son environnement sa muse. La vie domestique devient un poème, le jardinier et les maîtres des lieux se meuvent en êtres lyriques.

Nature et écologie

Sabine raconte des histoires avec son quotidien, dans une poésie fine, imagée, qui se lit et se comprend si aisément. Chaque élément vit sous sa plume prend de l’ampleur et s’impose au lecteur. Chaque arbre, plante, fleur sont dignes d’être admirés, observés de près, compris. La jeune fille a un conscience accru du monde qui l’entoure, de la place que joue chaque élément dans son environnement, de la nécessité de la biodiversité. C’est ainsi que Sabine s’inquiète des oiseaux qui ne pourront faire leur nid dans le creux des génoises du toit de la villa car l’ancien maître a fait arracher le lierre dans lequel les oiseaux se cachaient. Sans cet habillage vert protecteur, où couveront-ils leurs œufs ?
Au vu du nombre important de poèmes en lien avec la nature, faire un herbier de sa poésie nous a semblé évident, avec l’idée de créer un bel objet illustré. La poésie de la jeune fille aux deux tresses ne s’arrête pas à La Solitude. Une série de poèmes sur la thématique des chemins, de rêve d’ailleurs, de voyage. Sur la fin de sa vie, c’est une poétesse en souffrance qui écrit, qui parle à sa douleur comme à une personne, et qui parvient à toucher lecteurs et lectrices, sans pathos.

Notoriété et postérité

Une courte vie, tout de même honorée par de nombreux prix littéraires (Jasmin d’argent, Jeux floraux de France, Jeux floraux berruyers) qui lui valurent une mention dans nombres de journaux et revues, et une rencontre avec la poétesse Anna de Noailles, qui devint par ailleurs sa marraine littéraire et écrivit la préface de son premier et unique recueil de poésie publié de son vivant, les Poèmes d’enfants, comprenant notamment son premier poème, « Matin d’automne », écrit à neuf ans.

« Que pouvons-nous souhaiter à cette petite enfant dont les poèmes sont des poèmes heureux, — miracle dans l’inspiration des enfants qu’oppresse la mystérieuse nature et qui l’interrogent avec mélancolie ? — C’est de rester fidèle à son espiègle vision de l’univers, aux divinités des bois, des jardins, de la demeure, qu’elle honore en ses vers charmants, et qui, sans doute, voudront la protéger contre les flèches perfides et au-devant desquelles, pourtant, se précipite l’impatiente adolescence ! »

Voici comment Marcel Prévost, président du Jasmin d’argent, membre de l’Académie française et Président de la Société des gens de lettres, évoque la jeune poétesse aux longues tresses – comme elle fut appelée – dans Les Annales politiques et littéraires du 29 juin 1924 :
« C’est que son envoi est d’une qualité et d’une importance exceptionnelles. Au point que nous avons craint une mystification, et que, derrière le gentil paravent de cette mignonne concurrente, se dissimulât un poète déjà mûr… L’enquête a abouti à confirmer la réalité et la sincérité de l’envoi. Comment vous exprimer le plaisir que me cause personnellement cette révélation d’un vrai talent poétique, neuf, riche, savoureux, parfaitement original ?… Des vers qui ne ressemblent à nuls autres, qui ne rappellent aucune lecture, qui sont bien eux-mêmes enfin…, enfin !… »

Sabine lisait et déclamait les poèmes de Marie Noël ou encore de Rosemonde Gérard, qui écrivit d’ailleurs un poème lui rendant hommage.

Ainsi qu’une fleur infinie
Sous un soleil trop épuisant,
Brûlée à ton propre génie,
Tu meurs !… et tu n’as que quinze ans !

Rosemonde Gérard
Les Muses françaises, 1949

Notre réédition

Autrices oubliées

Il n’existe que deux recueils de poésie de Sabine Sicaud :
— Poèmes d’enfant, publié de son vivant en 1926, préfacé par la comtesse de Noailles ;
— Les Poèmes de Sabine Sicaud, publié en 1958 aux éditions Stock.

Très peu de matière littéraire autour de Sabine Sicaud et son œuvre a été produite, si ce n’est le travail d’Odyle Ayral-Clause.
Comment se fait-il qu’une jeune fille prodige, pourtant sous le matronage de la grande poétesse Anna de Noailles, soit si méconnue ? Que reste-t-il de Sabine Sicaud ?
De même que notre réédition de La Culotte en jersey de soie de Renée Dunan, cet ouvrage est un travail de mémoire, celui de remettre sur le devant de la scène celles qui ont été invisibilisées, oubliées. L’Herbier de Sabine Sicaud est un hommage à une poétesse au génie précoce et au talent des plus prometteurs. Une volonté de perpétuer le mythe de la jeune poétesse aux longues tresses, avec l’espoir que son destin inspirera quelques jeunes filles et insufflera à quiconque l’envie d’écrire des poèmes.

Botanique

La botanique est la science qui étudie les végétaux. Un herbier est l’outil du botaniste dans lequel il ou elle conserve les essences végétales cueillies. Dans ce carnet (ou autre forme de livre), il s’agit pour les botanistes de nommer l’essence (taxinomie) et la décrire. L’herbier est autant un guide qu’un souvenir. C’est un objet que l’on garde précieusement, à l’abris de la lumière et de l’humidité, pour préserver la cueillette et les écrits relatifs aux trouvailles.
Cet ouvrage se compose en parties désignant chacune le type végétal décrit dans le poème (fleur, plante, arbuste, arbre). En bas à gauche, sur la page de gauche, se trouvent le nom latin et la famille à laquelle le végétal se rattache (comme les Rosacées ou encore les Théacées). Vous remarquerez celle-ci se dote d’une lettre initiale en capitale. Les familles sont des regroupements de végétaux qui possèdent des caractéristiques communes.

Nota bene : les textes sont originaux, ils n’ont pas été corrigés lors de la réédition, à dessein.

Sources et ressources

Octavie Charpentier. « Sabine Sicaud ». Poésie, cahiers mensuels illustrés, tome VI. Paris, éditions d’Art du Croquis, 1928.
Marguerite Fechner, Maurice Luxembourg. « À propos de Sabine Sicaud : Lettre de Madame Marguerite Fechner ». Revue de l’Agenais, 1968.
Marcel Prévost. « Une poétesse de onze ans ». Les Annales politiques et littéraires, n° 2 140, 29 juin 1924.
Wendy Prin-Conti (sous la dir. de). Femmes poètes de la Belle Époque : heurs et malheurs d’un héritage. Paris, Honoré Champion, 2019.
Sabine Sicaud. Poèmes d’enfant, préface d’Anna de Noailles. Paris, Les Cahiers de France, 1926.
Sabine Sicaud. Les Poèmes de Sabine Sicaud, préface de François Millepierres. Paris, Stock, 1958.

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