Louise Hervieu

Portrait de Louise Hervieu. Photographie prise en 1936. Domaine public, agence Meurisse.

Biographie et contextualisation extraites de la préface écrite par Nelly Sanchez pour notre réédition de Montsouris

Louise Hervieu

Artiste et femme de lettres d’origine normande, Louise Hervieu est née en 1878. À la fin des années 1890, son père reçoit son affectation de commis principal des Postes à Montrouge, la famille Hervieu s’installe alors dans le 14e arrondissement de Paris, dans une maison dont le vue donne sur le parc Montsouris. Ils y vécurent 17 ans.

Se révélant très tôt douée pour la peinture et le dessin, Louise Hervieu est encouragée par son père et par ses enseignantes de Saint-Joseph-de-Cluny, figures évoquées dans Montsouris. Elle suit les cours du soir réservés aux jeunes filles et lorsqu’elle doit choisir une profession, elle envisage l’enseignement du dessin. Toutefois, son état de santé se détériore, elle doit renoncer au professorat. Elle poursuit malgré tout, de manière épisodique, ses études artistiques à l’Académie Colarossi.

Si ses premières peintures, exposées au Salon des indépendants, suscitent l’intérêt du public, sa première exposition personnelle, en 1910, est un échec. Elle abandonne la peinture et surtout la couleur au profit du dessin en noir et blanc, ce qui lui permet de se libérer des codes pour développer son style. À partir de 1917, elle fait partie des artistes régulièrement exposés à la galerie Bernheim-jeune. Son importance sur la scène parisienne se mesure sans doute à l’ouvrage collectif, Le Livre de Geneviève (1920), qui rassemble autour de ses dessins des textes de quelques-uns de ses amis comme Francis Carco, Max Goth, Colette, Alfred Cortot. Cette même année, elle se distingue dans le monde de l’édition comme illustratrice des Fleurs du Mal (1920) et du Spleen de Paris (1922) de Charles Baudelaire.

Jusqu’à la fin de sa vie, en 1954, le succès de Louise Hervieu ne se dément pas. En 1931, elle est présente à l’Exposition coloniale, en 1932, elle figure au salon des femmes artistes modernes, organisé par Mme Carmax-Zoegger, et, en 1934, elle représente l’art français à la Biennale de Venise. La même année, le musée du Luxembourg fait l’acquisition de ses œuvres. En 1940 encore, elle figure parmi les femmes artistes exposées à New York.

Au regard de ces succès artistiques, il est légitime de se demander pourquoi Louise Hervieu est devenue écrivaine. Elle a certes signé L’Âme du cirque (1924), illustré par des personnalités aussi diverses que Picasso, Cocteau, Vallotton, etc., et Le Bon vouloir. Moralité (1926), couronné par l’Académie française, mais ce sont des textes courts, dialoguant avec une abondante illustration. Il faut chercher une réponse sur le plan personnel. En 1927, son état de santé s’est tellement aggravé que la rétrospective que lui consacre la galerie Bernheim-jeune, est présentée comme sa dernière exposition. Louise Hervieu craint, en effet, devenir aveugle. Les opérations qu’elle subit lui permettent de poursuivre sa carrière artistique mais l’amènent surtout à reconsidérer les affections dont elle souffre. Cette démarche épidémiologique se retrouve, à peine voilée, dans Montsouris qui est présenté comme sa première autobiographie.

Louise Hervieu en conclut qu’elle est atteinte de syphilis congénitale. Ses ami·es littérateur·rices comme Francis Miomandre, André Rouveyre, Renée Dunan, l’encouragent à rédiger Sangs, saga autobiographique relatant l’existence de quatre générations de paysans, tous contaminés par la vérole. Ce roman est distingué par le Prix Femina en 1936 bien qu’il ne soit pas « dans l’esprit de la maison ». Il connaît une suite : La Rose de Sang ou le printemps de la jeune Hérodote (1953). Forte de ce succès, Louise Hervieu dénonce, dans son pamphlet, Le Crime (1937) l’hypocrisie sociale qui entoure ces maladies que l’on dit « honteuses ».

Jusqu’à la fin de son existence, Louise Hervieu mène de front sa carrière de dessinatrice et d’écrivaine, préfaçant et illustrant Poèmes de Charles Baudelaire en 1946 puis, en 1948, Liturgies intimes de Paul Verlaine.

Montsouris

La parution initiale de Montsouris, fin 1928, marque une étape importante dans la carrière de Louise Hervieu. Elle a près de cinquante ans quand elle accepte d’évoquer ce quartier du 14e arrondissement de Paris dans lequel elle a grandi. Comme elle est obligée de relater les souvenirs attachés aux lieux qu’elle mentionne, elle approche, pour la première fois, le genre autobiographique.

D’abord publié en feuilleton dans La Revue hebdomadaire, Montsouris paraît, fin 1928, dans la collection « Portrait de la France » dirigée par Jean-Louis Vaudoyer pour les éditions Émile-Paul frères. Cette collection compte plus d’une trentaine de volumes signés par de grands noms comme Francis Jammes pour les Basses-Pyrénées, André Maurois pour Rouen, etc. Louise Hervieu paraît être la seule femme dans cette collection. Elle consacre sa monographie au quartier de Montsouris et à son parc.

Fin de la biographie et contextualisation extraites de la préface écrite par Nelly Sanchez pour notre réédition de Montsouris

Écriture solitaire et maladie

La situation de Louise Hervieu fait penser à celle de Sabine Sicaud, toutes deux atteintes d’une maladie qui les enfermèrent dans un univers restreint : la chambre avec vue sur le parc Montsouris pour Louise Hervieu et pour Sabine Sicaud, la villa La Solitude et son parc. Ses microcosmes, loin de les enfermer, leur offrent une vue sur le monde. De leur place d’observatrice, de la ville pour l’une et de la nature pour l’autre, elles détaillent précisément ce dont elles sont témoins, faisant de leur expérience du monde quelque chose à partager.